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20/12/2014

Le Martinet

martinet image.jpg Il y a bien longtemps, naissait mon frère. J’ai 8 ans de plus que mon frère. Lorsque j’ai appris que ma mère attendait un bébé je fus complètement déboussolé. Je n’avais jamais imaginé que je puisse avoir soit une sœur soit un frère : vraiment cela ne m’avait jamais effleuré l’esprit un seul instant !

Cette annonce me perturba beaucoup au début, je ne sus quoi penser. C’était la guerre en France et nous étions partis dès l'invasion allemande ma mère et moi, en Algérie à Koléa, tout près d'Alger exactement. Mon père blessé, mais rétablit en partie, avait échappé au débarquement vers l’Italie du fait de sa blessure au bras et avait eu durant sa convalescence une permission exceptionnelle pour être auprès de son épouse qui allait accoucher.

L’argent se faisant très rare à cette époque, mon père m’emmena au bord de la mer pour ramasser du varech séché pour confectionner un matelas pour le lit du futur bébé. Soudain je sentis que je devenais jaloux car le bébé prenait à mon avis une place considérable auprès de mes parents et devenait leur seule préoccupation. Le bébé vint au monde. J’étais ravi que ce fût un garçon, car déjà je pensais à nos jeux futurs qui dans mon esprit auraient été incompatibles si cela avait été une fille ! Mon père nous quitta rapidement pour rejoindre l’armée et cette guerre qui touchait à sa fin mais n’était pas encore totalement finie.

Je restais donc avec ma mère, le seul « homme » de cette petite famille. Je prenais beaucoup d’importance en aidant ma mère, seule avec mon tout jeune frère. Cet état fit disparaître définitivement et à jamais toute jalousie de mon esprit car je prenais très à cœur mon rôle. Je m’étais investi totalement à épauler ma mère dans ses tâches quotidiennes. Comme elle avait un jour du mal à se faire obéir de mon tout jeune frère elle lâchât comme une boutade :« si seulement j’avais un martinet ! ».

Dévoué, pour rendre service et déjà très habile de mes mains j’entrepris de construire en cachette quelque chose ayant un vague rapport avec un martinet : un petit manche en bois orné de 5 petites lanières de cuir finement découpées et clouées. Très fier de cette réalisation je me précipitais vers elle et lui tendis l’objet dans l’attente d’un compliment. Elle le saisi, le regarda longuement l’air admiratif. J’étais fier d’avoir réussi à satisfaire son souhait et de montrer mon habileté à réaliser un si bel objet. Je dus rapidement déchanter « C’est bien Michel, tu as très bien réussi, tu es vraiment très adroit. Merci pour ce beau martinet, je pense même que je pourrais m’en servir contre toi lorsque tu ne m’écouteras pas ! » Jamais, ô grand jamais, je n’avais pensé un seul instant qu’il aurait pu servir contre moi ! Très vexé cela me mis dans une colère folle.

Par la suite on ne revit jamais plus ce martinet et personne ne saurait dire ce qu’il est devenu (sauf moi, bien entendu !). Cette leçon est restée gravée dans ma mémoire à jamais et porte en elle sa propre morale « Ce que tu exiges pour les autres commence par te l'exiger à toi même, aussitôt, tu verras les choses et les événements d'un œil différent. Tes jugements seront alors bien plus modérés ».

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