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13/03/2012

MA Mère ...

 Ma mère en 1957.JPGOui, ma mère...

 Voilà une femme tout à fait extraordinaire qui semble assez méconnue de mes enfants et pourtant quel amour elle leur a donné, mais ….

 Oui, mais quoi ? Pourquoi ne parle-t-on jamais d’elle en famille ? Je ressens cela comme une injustice, elle que mon épouse a beaucoup aimée… Oui c’est comme ça, on ne sait pas pourquoi…

 J’aimerais ce jour, comme ça, rendre justice à cette femme admirable que fut ma mère.

 Née en 1908, dans une petite bourgade de Seine et Marne, d’un père assez âgé et d’une mère toute jeune, elle est victime de la poliomyélite à l’âge de 2 ans dont les conséquences seront la privation totale de son bras gauche atrophié. Elle grandit normalement et devient une jeune fille très jolie, une jolie brune. Elle rencontre son future mari qui faisait son service militaire et les deux tombent amoureux l’un de l’autre et aux fiançailles succède un mariage d’amour. C’est là que votre serviteur, fruit de ces amours, naît. La guerre arrive et mon père comme bien d’autre se trouve mobilisé et quitte le foyer nous laissant seuls. Pour se protéger de l’envahisseur ma mère décide avec son enfant (moi), de 4 ans, d’emporter un seul bagage, quelques économies  et de passer la ligne qui coupe alors la France en deux pour gagner Marseille à destination de l’Afrique du Nord. Un tout jeune enfant, un bagage, et un seul bras valide : en fallait-il du courage et de la détermination. De la détermination elle n’en manquera jamais !

 Après une vie d’errance de garnison en garnison, seul point de chute possible pour nous, nous passons d’Oran à Alger puis Koléa et Blida après un court séjour en Tunisie. Pourquoi de garnison en garnison parce que c’était pour nous deux la seule protection que ma mère avait trouvé dans ce pays encore libre ou plusieurs garnisons françaises étaient établies. Nous vivions de donations et très souvent nous étions invités à manger au mess des sous-officiers ou je faisais l’admiration des soldats, moi qui coupais à 5 ans la viande dans l’assiette de ma mère qui ne pouvait évidemment pas le faire. Nous avons vécus ainsi d’Algérie en Tunisie, comme des nomades et ma mère toujours vaillante malgré son lourd handicap pourvoyait à notre survie. Entre-temps, mon père blessé, en permission, vint nous voir. De cette venue et de leur retrouvaille est né mon frère. Imaginez cette femme enceinte, puis avec un bébé, faisant face, avec un courage hors du commun à s’occuper de nous trois afin que nous survivions sans trop de privation. Un jour, de la famille, la France tout juste libérée, nous reçûmes un coli de France avec des spaghettis : je faisais la découverte de ce qu’étaient les pâtes dont j’ignorais l’existence. De même, il y avait aussi une seule boîte à sardines : quelle merveille ! Ma mère s’était faite une amie, femme de militaire comme elle et chose inhabituelle de sa part pour elle qui partageait tout, nous nous étions retirés discrètement dans notre logement pour ne pas partager et savourer seuls cette merveille : pensez, notre première boîte à sardines ! La guerre terminée il fallut rentrer en France dans notre famille qui avait décidé de rester au pays pendant l’occupation allemande. Les militaires, sur place,  nous donnèrent des caisses brutes pour y emmener  nos maigres affaires. C’est à cette époque que j’appris à me servir d’un marteau et à planter des clous. Le retour fut des plus pénibles. Fatiguée, handicapée, elle tint le coup et nous ramena mon tout jeune frère et moi,  pas très âgé non plus dans sa famille.

 Mon épouse a adorée cette femme qui le lui a bien rendu : plus encore que l’estime réciproque, l’amour était réel entre ces deux femmes. Bien sûr elle a adoré ses petits-enfants, émerveillée par eux.

 En repensant à cette femme tout à fait extraordinaire du fait de son handicap et d’un courage hors du commun, elle a vécue toujours très dignement jusqu’à sa disparition, usée. Elle était nette, intelligente et avait ce pouvoir très particulier de découvrir au-delà des apparences la véritable dimension des gens qui l’approchaient, les voir tels qu’ils étaient. C’était une faculté redoutable et elle ne s’est jamais trompée : un troisième sens en quelque sorte.

 Je regrette que la jeune génération ne lui rende pas plus un hommage pourtant si justifié.

 Mais en fait, que sera-t-il de moi ou de mon épouse plus tard ? Idem ? Probablement…

 

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